Lynn Schachner - "I am a fucking liar." Histoire de Princesse

Lynn, elle ne ressemble pas vraiment aux autres filles de 18 ans. Parce qu’on ne lui a jamais appris comment se comportaient les filles de 18 ans.

Lynn, elle ne parle pas beaucoup. Parce que, souvent, elle ne sait pas quoi dire. Elle n’a pas d’avis. Mais… Elle aimerait bien parler à des gens. Parce qu’elle l’a promis à Mary. Elle doit vivre. Et si elle veut essayer de vivre en société comme une fille normale, elle peut commencer par sociabiliser avec d’autres gens, non ?

Lynn, elle est très méfiante, parfois paranoïaque. Elle veut bien essayer d’être gentille mais elle a très peur qu’on la reconnaisse. Alors, si tu parais trop suspect… Tu pourrais te retrouver avec un flingue sur la tempe. Mais elle ne le sortira que si elle se sent vraiment menacé.

Lynn, elle n’est pas très douée à l’école. Elle n’a jamais vraiment étudié avant, ça lui semble totalement stupide. Mais tel un poète maudit, elle sait parfois écrire de jolis mots… C’est dommage qu’elle soit trop pudique pour ce genre de choses.

Lynn, elle se laisse un peu vivre, aussi. Elle se balade dans les couloirs de l’université, dans la ville et s’émerveille de découvertes comme si elle venait de naître. Faut pas lui en vouloir, tout est si nouveau pour elle !

Puis Lynn, elle ne dort pas beaucoup. Parce qu’elle a peur. Peur de retourner là-bas. Ce serait la pire chose au monde. Pendant ses longues nuits, elle sert le mot de Mary contre son cœur. Il faut qu’elle vive, elle l’a promis.

Elyah Harald. C’était avec ce nom qu’elle était née. C’était ce nom qu’elle détestait.

Noir, tout avait toujours été un peu noir dans sa tête. Dans la vie d’Elyah, tout avait duré si longtemps. La solitude rend tout plus long. Et pourtant, quand elle était née, qu’est ce que ses parents avaient pu être contents ! Ils avaient tant rêvé d’une petite fille ! Ils l’aimaient tellement !

« Qu’est-ce qu’elle était belle, la princesse… »

Elle était décrite comme la perle du royaume de Norvège. Personne n’égalait la beauté d’Elyah. Ses yeux bleus brillaient comme des saphirs et ses cheveux reflétaient, nuit et jour, le soleil. Sa voix de bébé, tel un divin parfum, embaumait le royaume pour le maintenir dans une euphorie envoutante. Les premières années de sa vie avaient été les plus belles. Mais elle l’avait appris, ça. Tous les contes de fée ont une fin.

Cet amour que les gens ressentaient pour elle, cette étrange attirance envers la princesse… Qui aurait su l’expliquer ? Les gens l’aimaient, devait-elle en avoir honte ? Elle, qui avait à peine l’âge de parler ?

Et pourtant, c’est à cet âge qu’elle connut son premier enlèvement. Un soir, un avocat qui avait passé plusieurs journées dans le palais, vint la chercher de force dans sa chambre. Elle se souvenait. Elle se souvenait de la peur, de l’angoisse. Elle se souvenait de l’endroit sombre où elle s’était trouvée cette nuit-là. Elle se souvenait de l’avocat et des mots étranges qu’elle comprenait à peine. Elle se souvenait de tous les compliments qu’il ne pouvait s’empêcher d’avoir pour elle. Il la voulait, comme un collectionneur fou.

Et puis, elle se souvenait de l’avoir regardé dans les yeux. Elle se souvenait de sa voix de petite fille.

« -Je veux… Je veux rentrer chez moi. »

L’avocat la regardait, hypnotisé.

« -M’aimeriez-vous après cela ? »

Son instinct lui avait crié de dire oui. Et l’avocat l’avait rendu sans demander davantage. Quand elle courut dans les bras de son père, elle se souvenait des mots de l’avocat qui hurlait alors qu’il était emmené par la police : « Tu as promis de m’aimer ! Tu as promis de m’aimer ! ».

La jeune fille avait un étrange pouvoir. Tout son être agissait comme un filtre d’amour puissant. Mais filtre d’un amour dangereux qui menait à l’obsession. Cette jeune fille, d’une beauté renversante, avait un don aussi affolant que fascinant. Quand ses parents le comprirent, ils se mirent à la détester, se convaincant que l’amour qu’ils avaient tellement eu pour elle n’était l’œuvre que d’un maléfice. Ils coupèrent tout contact avec elle. Elle fut envoyée dans une résidence secondaire, et, petit à petit, elle tomba dans l’oubli.

Mais ses parents n’étaient pas bêtes. Il fallait être idiot pour cracher sur un don pareil.

Un accord avait du mal à être signé ? Un ennemi trop menaçant ? La princesse n’avait qu’à aller négocier.
Et si les négociations se passaient mal ? Elle n’aimait pas en parler. Mais elle n’avait qu’à appuyer sur la gâchette. Elle l’avait f ait plusieurs fois et personne n’avait jamais soupçonné un si joli sourire.  

C’est de cette manière qu’un visage d’ange avec du sang sur les mains avait maintenu la paix dans un royaume qui l’avait autrefois adulée.  

Elle détestait les gens. Elle les détestait tous pour l’avoir transformée en monstre.

Sauf Mary. Mary, elle, elle lui apprenait la vie.

Étant aveugle, Elyah avait pu tester les limites de son pouvoir sur elle. Sa voix rendait euphorique, ses cheveux pouvaient paraitre hypnotisant, mais c’étaient ses yeux qui faisaient tout le travail.

Quand Mary la réveilla un soir en lui sommant de partir, elle connaissait son pouvoir par cœur et maniait l’arme à feu comme personne. Mary lui expliqua tout très vite. Ses parents… Une lettre interceptée…  D’autres servants avaient aidé…Un endroit avec des gens comme elle… Changer de nom…. Personne ne devait la retrouver.

C’est la dernière fois qu’elle la vit. Le jour où Elyah Harald devint Lynn Schachner.

Lorsqu’elle arriva dans un appartement qu’elle n’avait jamais vu, sur une île qui lui semblait être à l’autre bout du monde, tout pour elle avait déjà été préparé. Au milieu de son lit, une valise. Dans cette dernière, une paire de lunettes de soleil opaque. Un mot de Mary -qu’elle avait sûrement dictée à quelqu’un d’autre- lui disait de vivre maintenant. Mais de ne jamais révéler qui elle était, elle ne devait pas risquer qu’on vienne la chercher.

Et un flingue. Le flingue qu’elle avait emporté partout avec elle lors de ses missions. Elle l’ouvrit : il était chargé.

Elyah -devenue Lynn- prit les lunettes et s’avança doucement dans la salle de bain. Elle se mit face au miroir. Elle scrutait son regard.

Sa main prit l’ombre d’une arme et elle visa son reflet.

Elle détestait ses yeux.
Elle mit ses lunettes.