La solution à tous les maux [ft Méi]

La phrase de l’homme ne fit pas tout de suite sens pour Méi mais il lui fallut peu de temps avant qu’un déclic se fît dans sa tête. Pouvait-il lire dans les pensées ou avait-elle parlé à voix haute ? Elle penchait plutôt vers la seconde option. Toujours était-il qu’elle ne savait pas ce qui semblait être mieux : ne pas comprendre les êtres humains ou au contraire, les connaître un peu trop. Elle s’estimait chanceuse de ne pas en savoir trop sur la psychologie, elle était sûre que certaines révélations l’auraient au mieux dégoûtée, au pire terrorisée. Elle en voyait déjà bien assez durant ses heures de service pour savoir que les humains étaient loin d’être des anges.

Alors qu’elle s’apprêtait laisser le brun et retourner derrière le bar, celui-ci reprit la parole. La jeune femme écarquilla les yeux, n’en croyant pas ses oreilles. Est-ce qu’un professeur de son université venait vraiment de lui implicitement de l’inviter à passer du temps avec lui après son travail ? Pouvait-elle accepté ? Après tout, ils étaient tous les deux des adultes et pouvaient très bien apprécier de discuter ensemble malgré leur statut respectif. Légèrement embarrassée, la serveuse put sentir ses joues se réchauffer et prendre une discrète teinte rosée.

— Je ne sais pas encore, je risque de finir plus tôt que d’habitude si le bar continue à se vider.

Elle jeta un rapide coup d’œil à la salle avant de se pencher vers le jeune professeur.

— Ne le répéter à personne mais le patron est plutôt sympathique, il nous laisse boire pendant le service en fin de soirée quand il y a moins de clients.

Depuis qu’elle avait été embauchée, elle pouvait compter sur les doigts d’une main les fois où elle avait osé prendre un verre pendant ses horaires de travail. Elle n’avait fait que quelques exception et cela n’avait jamais dépassé deux verres.

Elle se redressa et profita de l’occasion pour prendre appui sur la table en y posant une main.  

Comme Méi l’avait pensé, l’homme avait vraiment prévu de passer une partie de sa soirée avec elle. Elle était encore un peu mal à l’aise avec l’idée d’un tête-à-tête avec un professeur mais l’alcool l’aiderait certainement à se détendre.

— C’est à vous de voir, vous risquez de vous ennuyer pendant mon service. D’ailleurs, il serait temps que j’y retourne, les tables ne vont pas se nettoyer toutes seules.

Elle lui adressa à son tour en sourire en coin puis se dirigea vers une table où des clients venaient de s’installer. Les deux heures suivantes ne furent pas bien remplies mais suffisamment pour qu’il fût impossible de se rendre à la table du brun. Les clients n’étaient pas bien nombreux car l’heure du dîner s’approchait, elle allait d’ailleurs bientôt pouvoir profiter d’une petite pause au milieu du service pour grignoter un peu.

Lorsque la serveuse eut fini de nettoyer toutes les tables et de porter les commandes, elle retourna derrière le bar. Elle indiqua au barman qu’elle comptait prendre une courte pause. Celui-ci acquiesça en lui précisant que son collègue pourrait gérer les clients à lui tout seul. Soulagée de pouvoir enfin s’asseoir, Méi prépara une planche apéritive à base de saucisson et de fromage. Elle hésita un instant sur le choix de sa boisson avant de se décider pour un cocktail sans alcool à base de sirop de fleur du sureau, de jus de citron et de jus de fraise. Satisfaite de la composition de son apéritif, elle se saisit de son plateau pour y mettre son verre et une corbeille de pain, attrapa la planche et se dirigea enfin vers la table où l’attendait le professeur.

— J’espère que l’attente n’aura pas été trop longue Monsieur Debrays.

Elle déposa la planche et la corbeille sur la table puis tira la chaise située en face de l’homme. Elle amorça un geste pour s’asseoir avant de s’arrêter. La jeune femme lui adressa un sourire amical.

— Je peux m’asseoir ? Je vous ai même ramené de quoi grignoter.

À peine l’homme eut-il répondu à sa question que Méi s’empressa de s’asseoir. Elle ne tarda pas à se saisir de son cocktail et d’en boire une gorgée. Il n’y avait rien de mieux après un service qu’une boisson bien fraîche. Détendue, la serveuse s’enfonça dans son siège, la fatigue ayant raison de ses manières. En tant qu’employée du bar, elle aurait peut-être dû se soucier de son image, encore plus devant l’une des personnes qu’elle risquait de croiser à plusieurs reprises à l’avenir. En parlant du loup, lorsque le professeur lui adressa à nouveau un sourire, elle se sentit légèrement intimidée par celui-ci. Elle ne pouvait définitivement pas nier son attirance pour lui malgré leur statut respectif. Après tout, qui aurait pu résister à ce sourire ? Elle avait peut-être pour principe de ne pas s’intéresser à ses professeurs mais elle avait tout de même des yeux, il lui eût été difficile de ne pas remarquer la beauté de l’homme qui lui faisait face.

La jeune femme se reprit lorsqu’elle se rendit compte qu’elle fixait un peu trop son interlocuteur. Elle se redressa sur sa chaise et reposa son verre devant elle. Elle hésitait quant à sa manière de répondre. Devait-elle lui demander de préciser ce qu’il désirait savoir ou bien était-il préférable de reprendre les présentations depuis le début ? Elle ne se souvenait pas lui avoir donner son nom alors qu’elle connaissait le sien. Un sourire amusé se dessina sur son visage alors qu’elle prit la parole à son tour.

— Xiāng Méi Lǐ, 22 ans, célibataire et libre comme l’air.

Un peu plus confiante, elle imita la position du brun sans se départir de son sourire.

— Vous savez déjà que je suis étudiante en langues et que je travaille ici à temps partiel. Je ne vois pas ce que je pourrais ajouter de plus. Alors, qu’aimeriez-vous savoir sur moi Monsieur Debrays ?

Méi n’était pas certaine de ce qu’il souhaitait apprendre sur elle exactement, elle se sentait un peu mal à l’aise à l’idée de se lancer dans un monologue. Le laisser prendre les devants et mener la conversation lui semblait bien plus simple et agréable.