Titan L. Huygens - It's gonna be messy ♪ [finie~]

Si vous croisez une furie affublée d’une ombrelle de dentelle, les bras remplis d’un tas de grilles-pain chromés empilés en train de courir et de fuir c’est que vous venez de rencontrer Titan. Enchantée! Sa principale manie est de se barrer avec tous les électroménagers du monde, surtout ceux chromés… Ça brille, c’est beau, esthétique, un matériau parfait… Elle est une vraie pie.

Sa passion pour le chromé n’a pas de limite et sa cleptomanie non plus. Sans gêne et sans (gestes-)barrières, si elle décide qu’un objet brille assez pour elle ou est métalliquement à son goût vous risquez de ne jamais le revoir. Elle pourra simplement l’ajouter à sa collection immense de grilles-pains chromés ou les utiliser pour ses œuvres.

D’ailleurs elle n'est pas bien différente de celles-ci, tantôt acceptée et admirée, tantôt crainte et rejetée. Quand on commence à la côtoyer il arrive qu'on ai peur d'elle parce qu'on ne la comprend pas, parce qu'elle bouscule l'ordre établi et les certitudes. Titan questionne, remet en cause et apporte une nouvelle vision des choses. Elle est l'art et elle a l'art dans le sang, ses veines sont faites de couleurs liquides, son esprit composé de mille bulles d'idées flottant au vent de son imagination, son cœur est une sculpture de glace à en entendre certains. Ces mêmes personnes qui ne l'ont jamais vraiment regardé. Car, avez vous vu son regard lorsqu'elle est en pleine créativité? Elle peut être fière et douce, calme et rassurée, entière et absorbée. Ce regard vairon là qu'elle pose sur ses oeuvre se fait maternel, critique et aimant.

A la voir pour la première fois on pourrait la prendre pour une douce enfant. Éloignez vous du cliché de la fille naïve et son petit corps d’un mètre et demi. Il est vrai qu’à certains moments vous la verrez calme et absorbée, en train de prendre des notes, de griffonner sur un de ses nombreux carnets, d’étudier ce qui l’entoure, les corps, la nature, le vent et la lumière. Un rien l’inspire car tout est art et elle ne voue ses yeux que pour ça, ou presque… Elle a cette facette de l’art académique, posé et strict qui la compose. Mais si vous osiez troubler sa concentration, briser sa vue d’une manière qu’elle ne trouve pas harmonieuse, d’un instant à l’autre elle peut devenir une furie féroce, tourbillon de violence prête à vous sauter à la gorge ou si vous avez de la chance de vous balancer son chevalet dans la gueule en vous hurlant dessus et maudissant votre descendance sur 38 générations parce que vous êtes passé à 10 mètres d'elle puis à tout reprendre comme si de rien n'était dans le plus grand des calmes.

Si vous êtes moins chanceux et qu’elle est d’humeur à se laisser aller à sa folie créatrice, elle n’hésitera pas à vous évaluer, vous mesurer et à penser à vous clouer au premier arbre qui passe et à commencer une jolie composition avec votre corps, organisant tout cela en une belle scène d’art agréable au regard. Ajoutant du rouge par ci, coupant par là… Vous habillant de fleurs car elle aime jouer avec la nature et les corps dans ses installations. Lorsque la folie et la création s’emparent d’elle, elle n’est que salissures sans bordures, sans limites. Elle a ce regard qui vous dit que vous pourriez être sa prochaine oeuvre, cette façon de vous étudier comme si vous n’étiez pas vivant, qu’un objet de plus dans son installation. Parce que l’art a cette forme de folie, à toujours repousser plus loin les limites et quand l’art aime la démesure… ce n’est jamais bon pour vous d’être dans les parages.

Pour Titan, tout est source de matériaux et quand elle se déconnecte de la réalité elle peut ne plus avoir de limites, ne plus réfléchir au vivant, simplement à vouloir jouer de ce qui lui tombe sous la main. Par chance pour vous, elle ne se lance que très rarement dans des sculptures et installations. Elle se concentre sur la photographie et la peinture ou encore sur son pouvoir, restant cloisonnée à l’Art académique, à l’Art qui se veut sage et conventionnel, tâchant à tout prix de refréner ce tournis qui s'empare de son esprit et cette brume qui voile ses yeux.

Amsterdam, un contexte on ne peut plus parfait: un couple aisé, ouvert et intelligent qui accueille leur seule et unique enfant. Bébé choyée et couvée dans des bras attentifs. Les parents se dédient à leur fille, passionnés de tous les domaines qu’ils choisissent d’explorer ils devinrent, le temps passant, exigeant avec leur progéniture. Maladroits, ils la traitent comme une adulte miniature et déjà lui demande de se comporter comme tel.

Lyna fait parti des chanceux de ce monde. La petite a grandi dans un cocon, protégée, sa nature pouvant s’exprimer sans limites car elle ne cessait de les repousser. Ses parents se résignèrent à uniquement attendre d’elle un investissement sans faille dans ses études et les voies qu’elle choisissait de parcourir, quel que soit son âge. Petite furie n’écoutant qu’elle même, parents démissionnaires et souvent absents la confiant à une gouvernante.

Alors très tôt elle apprit à parler plusieurs langues, à lire, à écrire et surtout à dessiner. Ce fût une révélation pour elle qui ne voulut plus que s’exprimer par ce biais. Ses jupes bruissaient et ses pas volaient dans les allées des musées, coursée par Anna, la gouvernante qui tentait de ne pas la perdre des yeux.

Enfant passionnée, turbulente, joueuse et rieuse, elle se plongeait dans l’apprentissage de l’art, s’y noyant et absorbant tous les styles et toutes les pratiques, oubliant presque tout le reste par moments. En grandissant ses yeux se posèrent sur des tableaux de maîtres, absorbée par les jeux de lumières, le traitement des couleurs et des corps, les scènes la submergeaient et elle pouvais rester un temps infini assise devant certains tableau à lui offrir ses yeux et son esprit. Elle se prit d’amour pour l’art Académique et particulièrement le traitement de la lumière chez les peintres Caravagesques. Naturellement elle se mis à produire peintures et sculptures, choisissant comme nom d’artiste son second prénom qu’elle ne voulut plus jamais quitter, aimant sa signification et son histoire, férue d’astrologie et de mythologie.

Sa liberté, elle la devait à sa curiosité et son investissement. Jamais elle n’était feignante, jamais elle ne perdait une minute et pour ses yeux gris, tout était source de questionnement et d’apprentissage. Titan grandit en ayant accès à tout ce qu’elle désirait, elle pouvait fréquenter chaque lieu d’apprentissage qui lui venait à l’esprit. Aller passer des week-ends à Paris et connaître par cœur le Louvre et les musées de la capitale. Sa jeune frimousse était connue du milieu, car présente à chaque vernissage, ne voulant jamais rien manquer.

Elle tentait de se construire sans modèle fixe, oscillant entre Anna et les artistes qu’elle côtoyait. Certains morts depuis longtemps et fixés dans des livres ou d’autres vivants et pas plus présents, dans des galeries où l’esprit était ailleurs, partit dans des songes, pris entre l’alcool, les drogues ou la folie, peut être même les trois à la fois.

Adolescente elle se laisse aller à l’art contemporain, délaissant l’Académisme et sa rigueur. Elle laisse ses doigts créer, son esprit partir trop loin pour qu’elle puisse le retenir, le temps filant, les astres s’alternant sans qu’elle ne se rende compte de rien. Seul son corps marque le temps qui passe, l'épuisement l’emportant et l’obligeant à s’allonger à même le sol de son atelier fermé à clé. Ainsi elle pouvais passer des jours sans qu’Anna ne puisse l'atteindre, artiste prise dans un tourbillon de création. N’ouvrant la porte que pour se ravitailler en café, boissons énergisantes et nourriture grappillée du bout des doigts, mangeant son repas agrémenté de peinture, d’argile, de pigments et d’autres matériaux y étant tombés. Elle se laissait emporter par ses créations, le regard devenant flou, le corps inexistant et léger, simple outils d’un esprit dispersé en mille points. Ses gestes devenant saccadés, acérés et parfois maladroits avec le temps et l’épuisement.

Elle travaillait depuis deux semaines sans prendre plus d’interruptions que de brèves pauses forcées par un corps épuisé, quelques heures de sommeil par ci par là… L’installation-sculpture prenant forme. Mélange de matières, de pratiques et de couleurs. Elle assemblait son Prométhée moderne, créature sortie de l’esprit malade d’un scientifique fou, symbole du roman gothique qu’elle était entrain de reproduire dans une sculpture aux mille facettes. Assemblage, patchwork de pièces disparates et parfois monstrueuses. Mécanique mobile où chaque angle changeait la signification de la pièce. Elle ajoutait morceau par morceau pour construire son oeuvre.

Titan était prostrée dans un coin, jambes repliées où reposait son carnet. Elle croquait une nouvelle pièce qu’elle souhaitait ajouter à l’assemblage, les doigts tremblants de fatigue et de surconsommation de caféine. Ses yeux ne voyaient plus rien, ne pouvaient plus rien fixer et sa main était trop raide pour que son croquis soit concluant à ses yeux. Dans un cri de rage elle arrache la feuille du carnet et la tient dans sa main, face à la sculpture où sans qu’elle ne comprenne pourquoi, l’objet apparaisse au bon endroit comme s’il y avait toujours été. Assemblage chromé, bras mécaniques sortant du tronc. Ses yeux se voilent et son corps rencontre le sol, poupée de chiffon vidée de toute vie pour quelques heures. Le don l’a drainé du peu qui lui restait, l’obligeant à une pause forcée, artiste percluse au sol.

Seize ans et Titan se réveille à l’aube d’une nouvelle vie et de nouvelles possibilités. Un burn-out salvateur et sous ses yeux désormais vairons, les bras chromés partent en poussière, lui prouvant qu’elle n’avait pas rêvé. Immédiatement elle veut se lancer sur ton carnet, découvrir de quoi elle est capable, mais une lettre se loge au creux de sa main droite.

Magie du pli ou curiosité avide de l’adolescente, l’enveloppe se déchire pour découvrir une lettre l’invitant à étudier et pratiquer son art à la Merille Academy. Hurlement de joie et d’incrédulité, la jeune fille se lève sur ses jambes encore flageolantes pour courir vers Anna, lui parler de ce don et de cette école. La gouvernante hoquette de surprise en croisant ce nouvel œil rosé qui pare le côté gauche de l’adolescente. Pendant que les parents sont appelés, Titan se scrute dans un miroir, assise à la table de la cuisine, se reposant avant de se consacrer aux feuilles d’examen apparues avec la lettre de bienvenue. Fille fière de cette nouvelle marque, preuve de son don et de sa vision différente du monde. Naturellement l’examen, l’inscription et les frais sont conclus dans la journée.

Sans un regard en arrière Titan s’apprête à quitter sa ville natale. Elle est sur le pas de la porte quand elle entrouvre les lèvres et dans un dernier moment, un dernier lien avec son passé, elle se jette dans les bras d’Anna, seule présente pour l’accompagner pour un ultime contact avec cette ancienne vie.

L’Académie est un nouveau foyer, possibilités illimités d’apprentissages dans lesquels elle se noie, s’affairant à tout apprendre de ce qu’elle ne sait pas déjà, voulant maîtriser à tout prix son don et s’évanouissant beaucoup trop souvent. On pourrait la croire narcoleptique à force de trop en user. Titan se construit en jeune femme épanouie, se jouant de cet aspect bicolore de sa vie, tête rose et brune tandis que ses yeux sont gris et roses. Elle laissera parler sa personnalité, sa créativité et en grandissant et expérimentant cherchera peu à peu à cacher cette folie créatrice qui s'empare parfois d’elle, lui susurrant à l’oreille de se moquer des convenances et des règles ou des lois. Qu’un corps n’est qu’un matériaux et qu’un peu de découpe ne pourrait ajouter qu’une symphonie de sons stridents pour parfaire l’oeuvre.