"Eh, mais c'est mon pote Eden!" [PV Eden]

Oui. Natsuo ne semblait pas dans son assiette. Entre l’alcool et son ton désespéré, il ne dupait personne.

Habituellement souriant.e et jovial.e, Eden prit place à côté du blondin, calmement tout en conservant son expression inquiète. Iel grinça même des dents lorsqu’un serveur tout bonnement irresponsable ramena un énième verre alcoolisé. Outre l’effet de surprise, l’intervention du noiraud.e n’eut pas l’effet escompté et iel ne se voyait pas chiper tous les verres de son ami. Personne ne pourrait réparer les pots cassés s’iel finissait ivre à son tour.

Chagriné.e par la détresse de Natsuo, Eden l’écouta attentivement, le laissant déballer ce qu’il avait besoin d’exprimer.

Natsuo avait si peu confiance en ses proches, mais aussi en lui-même. Cela en était très triste.

- Natsuo…

Sa gorge se serra un peu, étrangement aride denervosité. Un sourire se dessina cependant sur ses lèvres, ne pouvant s’empêcher d’être amusé par l’air faussement sérieux du blondin. Néanmoins, les propos restaient assez durs à entendre. Avait-iel fait quelque chose de mal pour que son ami se retrouve aussi déçu ? Bien des interrogations lui traversaient l’esprit, mais iel préféra les balayer pour ne pas dévier de la situation actuelle.

- S’il te plait… Arrête de boire dans un premier temps, tu te fais du mal pour rien, là…

Supposant que Natsuo cherchait son téléphone à l’aveuglette, Eden prit l’objet avant de le poser dans la main du blond. Iel garda sa main sur la sienne, ne souhaitant pas la retirer pour le moment. Iel fronça des sourcils, sérieux.se.

- Tu as le droit d’être malheureux et de te sentir mal, même si à mes yeux tu mérites de trouver les bonnes personnes et d’avoir une meilleure estime de toi-même. Tu es quelqu’un de merveilleux. Tu ne finiras pas seul, j’en suis certain.e…

Imaginer Natsuo en galante compagnie le.a troubla un peu, pour des raisons inconnues. Iel secoua du chef.

- On est là, moi et Capucin. Nina aussi ! Je ne compte pas te laisser tomber, même si des fois t’es sacrément couillon. Sauf si ma présence t’importune à ce point…

Eden ressera l’emprise de sa main.

- Que s’est-il passé ? Tu t’es embrouillé avec un proche ? Tu sais que tu peux tout me dire, hihi.

Discrètement, Eden ramena le verre d’alcool fraîchement commandé vers iel de son autre main disponible. Peut-être que ça passera inaperçu ?

C’était bien la première fois qu’Eden le voyait dans cet état et l’alcool n’arrangeait rien. Iel avait envie de lui faire un gros et chaleureux câlin de consolation, mais le.a noiraud.e se retint. Natsuo n’était pas d’un naturel très tactile, il ne fallait pas abuser ou se montrer invasif.ve sous le coup de l’émotion. Eden restait néanmoins surpris que son ami ne l’ait pas encore repoussé.

Son regard émeraude se perd un instant dans ceux de Natsuo. Iel a cette cruelle envie de lui retirer ses grosses larmes, mais à défaut de mouchoirs, iel se retint d’agir une nouvelle fois. C’était un peu frustrant.

Néanmoins Eden fut soulagé.e que le blondin ne rechigne point à se confier à iel. Comment ne pas connaître le grand Balthazar ? Natsuo parlait toujours de lui, avec des étoiles dans les yeux. Bien qu’iel ne l’ait jamais croisé à ce jour, Eden ressentait l’admiration et l’amitié qui les unissait… Enfin, c’est ce qu’iel croyait.

C’était donc encore un placage ? Un rejet amicaloamoureux ? Eden avait l’impression que c’était courant, en ce moment, ce qui amplifia un peu sa culpabilité personnelle. Iel était bien mal placé pour consoler qui que ce fut sur ce sujet. Iel tilta un peu lorsque Natsuo sembla insister sur le fait qu’il éprouvait une affection envers un mec. Mais ce n’était clairement pas le bon moment.

- Je suis vraiment navré.e d’apprendre tout ça… Je n’imagine pas à quel point cela doit être douloureux, mais je suis certain.e que tu parviendras à recoller les morceaux et te reconstruire. Si Balth t’a lâché comme une vieille chaussette, c’est qu’il ne mérite pas que tu souffres pour lui. Il arrive que les personnes changent beaucoup et bien que ce soit parfois pour le pire, nous n’y pouvons rien…

Eden afficha, enfin, un large sourire avant de finalement essuyer les yeux trempés de Natsuo à l’aide de ses manches et du bout de ses doigts. Iel lui tapota le haut de la tête avec douceur.

- Ce n’est pas simple de gérer des émotions aussi fortes comme celles-ci, alors prends ton temps et surtout, prends soin de toi. Tu es impulsif, mais aussi courageux et téméraire. Je ne doute pas que tu iras mieux prochainement, même si c’est long de se reconstruire après une grande perte.

Bizarre. Eden ne parvenait pas à maintenir un contact visuel, laissant son regard fuir vers un autre point de la pièce lorsqu’iel parlait. Pourquoi se sentait-iel aussi embarassé.e ? Peut-être était-iel allait un peu trop loin dans son analyse et son envie d’aider.

Iel songea a retirer sa main pour laisser son camarade tranquille, mais constater leurs doigts entrelacés lui fit bondir son petit cœur et le.a dissuada. Iel ne s’en était pas rendu.e compte.

Eden se gratta la joue.

- Oh, mais il n’y a pas de soucis. Tu as ton caractère bien trempé et tes préférences. Je comprends parfaitement que certaines personnes aient besoin de leur petit périmètre de sécurité et que la maladresse peut parfois donner l’impression qu’on se fait remballer. Vous êtes si mignons, vous, les introvertis ahah…

Eden regarda ailleurs.

- Je pense que… la comparaison à Balth m’a un peu blessé. Je ne savais pas que tu me pensais capable de coups bas pareils… Ahah…

Soudainement, iel reprit du poil de la bête, tout sourire.

-... Maiiiiiis, ce n’est pas moi qui suit au plus mal actuellement !! Tu as tes défauts et t’es grave chiant parfois. Il arrive que tu ne vois pas plus haut que ton nombril d’ailleurs. Néanmoins, tu es sensible à ce qui t’entoure et tu es très doué. J’ai du mal à croire que tu ne sois qu’en classe oméga !

Iel se laissa porter par ses pensées.

- Tu m’as déjà aidé pour les cours et même quand j’avais quelques coups de blues. On peut compter sur toi quand on a besoin d’aide. Tu es attentionné et généreux, même si tu le caches et que c’est dommage. On dirait que tu as peur des autres, mais je l’aime bien, ce Natsuo que tu ne veux pas montrer aux gens. Il est humain et… beau ?

Eden releva la tête, se rendant compte de ses paroles. Iel piqua un fard avant de tourner la tête et de finir le verre de Natsuo sans son accord. C’était qu’il faisait chaud, d’un coup.

- Le perfectionnisme n’est pas qu’une qualité et je pense qu’on a le même gros soucis… Vouloir plaire à tout prix aux autres, la peur ne pas décevoir, se créer un masque… C’est pas spécialement bon pour le mental, tout ça… C’est très égoïste de ma part, mais je me reconnais un peu dans tes soucis et ça me donne envie de t’aider… Enfin… Je fais de la psychologie de comptoir, là…

Sans compter que boire rapidement des verres bien serrés ne l’aidaient guère.

Pour un habitué des bars, Natsuo ne semblait pas beaucoup tenir l’alcool ce soir, au vu de ses réactions. Cela surprenait, mais inquiétait aussi Eden. Il avait combien de grammes dans le sang ? Allait-iel devoir chercher une brouette ? Ou se passait-il quelque chose d’étrange, comme il venait tout juste de le mentionner.

Le sang d’Eden ne fit qu’un tour, l’adrénaline montant d’un cran, encore. Iel se sentait comme un enfant venant de faire une bêtise et ne voulant pas que cela ne se sache. Aussi loin qu’iel ne se souvienne, Eden avait toujours garder contenance en compagnie de Natsuo, même lorsque qu’iel avait pris conscience qu’iel ne le voyait pas seulement comme un ami proche. Ne voulant pas avoir mal, Eden avait tué tout espoir dans l’œuf, appréciant et se contentant d’une amitié plutôt énergique et pleine de rebondissement.

Mais maintenant, à entendre les bégaiements de Natsuo, iel avait l’impression que ses sentiments lui explosaient en pleine face. Juste parce que son « crush » venait de se prendre un râteau et commençait à agir maladroitement ? Être humain.e était sacrément malsain, des fois…

Eden accepta les excuses de Natsuo, les trouvant suffisamment sincère. Iel n’avait pas pris de recul de son côté, non plus.

- J’agis un peu comme un.e gamin.e aussi… Quand on est ivre, on pense rarement ce qu’on dit. Mais je suis heureux.se que tu tiennes tout de même à notre amitié.

Eden dissimula sa gêne derrière une mine moqueuse, laissant échapper un ricanement.

- Enfin, sauf si tu fais vraiment le con ! Je n’ai pas de raisons de partir, ne t’inquiète pas, hihi !

Natsuo baissait la tête, mais iel le voyait clairement les étapes de sa transformation en tomate. Le voir rougir ainsi, fit rougir Eden à son tour. Ils n’étaient pas aidés, décidément.

Était-ce vraiment la faute de l’alcool ? La situation était-elle si « bizarre » ? Eden en déduit qu’iel devait l’embarrasser. Se faisant violence, le.a noiraud.e retira sa main de celle de Natsuo, le laissant seul avec son téléphone. Le froid qui s’immisçait entre ses doigts le.a fit regretter son geste. Eden ferma les yeux. Iel avait bien trop honte de profiter de la situation malgré iel. Natsuo était bourré et souffrait d’une peine de coeur. Ce n’était pas bien.

Eden sourit chaleureusement, cachant ses peurs.

- Si tu redoutes à ce point que tes chevilles n’enflent, tu n’as qu’à me faire des compliments en retour, hihi. Je rigole ! Je rigole…

Oula. Si on lui faisait des compliments, iel n’allait plus tenir en place et fondre comme neige au soleil. La nervosité d’Eden ne cessait de grimper et une timitdité maladroite s’emparait d’iel. Ca ne lui ressemblait pas… Et dire qu’iel était venu.e consoler un pote, à la base… D’un mouvement de doigt, Eden disperça de l’air frais sur son visage rosi. Il fallait se calmer. Avait-iel pris ses anxiolytiques avec iel ? Bien sur que non, ce ne serait pas drôle…

- Je… Euh… Ce qu’il fait chaud dans ce bar, ahahah… Tu veux un peu d’air frais, n’est-ce pas ? Avec un peu de chance, ça va peut-être faire fuir ces « trucs bizarres », ahaha… Méchants « trucs bizarres » ! Oust ! Oust !

Sans attendre spécialement de réponse, iel orienta la petite brise vers le blondin.

Il était mignon, comme ça, quelques mèches blondes aux vent. Eden ne put s’empêcher d’esquisser un fin sourire lorsqu’il tenta de dissimuler son rire. Natsuo était si grognon et triste d’habitude, que le voir sous d’autres facettes était attendrissant. Dommage que ce soit principalement dû à l’alcool… Enfin c’était ce qu’iel pensait.

Eden retint un moment sa respiration lorsque Natsuo annonça quelques compliments, sincères et affreusement vrais. Difficile de contre dire quoi que ce fut. Iel sentait sa poitrine se serrer un peu. Avait-il vraiment remarqué… tout ça ? Ces choses qu’iel tentait toujours de cacher ? Cela lui faisait chaud au coeur…

Un coeur qui ne cessait de bondir depuis tout à l’heure d’ailleurs. Que ce fut ses mots doux et maladroits ou cette main peu assurée qui était venu chercher à nouveau la sienne… Eden continuait de craquer pour cet « ami ». Le terme n’était plus adéquat, à ce stade.

Eden sentait au creu de sa main ces tremblements, ces doutes qu’il n’exprimait pas verbalement. Quelle situation vraiment bizarre.

- Pourquoi les personnes tiennent absolument à me consoler alors qu’eux-mêmes sont en détresse, ahah… Ce que tu dis me touche beaucoup. Mais c’est toi qui a besoin d’un épaule actuellement, tu ne penses pas ?

Son rire de courtoisie sonnait un peu faux. Eden était discret.e et ne se confiait que peu, Natsuo n’avait jamais visé aussi juste. Peur de déranger. Peur d’être jugé.e. Ne pas savoir quoi raconter sur soi-même. Ne pas avoir une vie passionnante.

La vie d’Eden n’avait guère d’aspect passionnant aux yeux d’Eden.

Son coeur se serrant un peu plus, iel serra ses doigts dans ceux de Natsuo, baissant les yeux.

- Moi aussi… J’aime bien quand c’est comme ça. J’ai l’impression de nager en plein rêve… Je boirais bien une vodka entière juste pour qu’il continue un peu, ahah.

Sa tête resta inclinée, mais ses iris verdoyants vinrent chercher ceux de son interlocuteur.

- Tu penses… vraiment tout ce que tu viens de me dire ?... Je…

Eden a l’impression que son cœur va exploser. Comment les événements avaient-ils pris cette tournure ? Pourquoi n’arrivait-iel par arranger les choses ? Ce devait être sa faute...

- Je pense que le.a con.ne dans l’histoire, c’est surtout moi. Je sais pourquoi l’ambiance est aussi… étrange. C’est moi qui la rend si bizarre ahah…

Le.a noiraud.e jeta un dernier coup d’œil à leurs mains liées avant de fermer les yeux et de respirer profondément. Il avait initié ce contact, lui qui était distant. Sans compter ce regard…

- Si j’avais sû que j’aurais été amené.e à dire ce genre de choses alors qu’initialement je devais simplement te consoler, j’aurais fuit direct sous ma couette, ahah…. J’aurais préféré mille fois qu’on parle plutôt de toi... Mais je pense qu’il est important que je mette certains points au clair. P… Promets moi de ne pas mettre notre amitié au placard… S’il te plait…

Sa main se ressera davantage. C’était dur. C’était effrayant. Des râteaux, iel en avait vu passer dans sa vie, mais cette fois-ci Eden avait peur de surinterpréter les évènements et que cela se finisse mal. La situation lui convenait, pourquoi la changer ? Pourquoi Balth l’avait refoulé ? Pourquoi y avait-il plein de sous entendus depuis tout à l’heure ? C’était sadique. Est-ce que tout irait mieux si cette possibilité n’avait jamais pu être envisagée ?

- Natsuo, je… Je ne t’ai pas toujours vu comme un ami… J’ai toujours essayé de me convaincre que je ne ressentais rien d’autre que de l’amitié à ton égard, mais… J’aime te prendre la main. J’aime quand tu paraîs heureux. J’aime ton rire aussi. Et j’aime quand tu me prête autant d’attention… Tu ne sais pas à quel point cela me rend heureux.se.

Si cela ne tenait qu’à iel, Eden l’aurait serré dans ses bras tel un gros nounours depuis longtemps. Iel s’était voilé la face si longtemps, qu’iel ne parvenait toujours pas à prononcer ces trois petits mots. Peut-être plus tard.

- Enfin, voilà… Je décharge un peu trop de choses là. Je n’attends rien de réciproque, il n’en a jamais été question. Mais… Ça fait du bien… D’en parler… Je vais peut-être commander un litre de whisky maintenant ahah ! Et après on biatchera sur la tronche de Balth pour se défouler un peu !

Soulagé.e et honteux.se, quel drôle de cocktail. Eden avait trop peur de sa réponse, qu’elle soit positive ou négative.