Mieux vaut rire que pleurer [PV: Heather]

Les cours étaient finis. Enfin. T'étais content parce que ta première semaine en tant qu'assistant s'était plutôt bien passé et que les élèves étaient beaucoup moins bêtes que ce que tu avais pu penser. Évidemment, ils n'arrivaient pas à ton niveau mais tu n'avais pas eu besoin de te répéter, ils comprenaient assez facilement des notions de droit qui te paraissaient élémentaires. C'était plutôt bon signe, n'est-ce pas, Nats'? Le signe que tu commençais à prendre ta vie en main. Depuis que tu suivais les cours de Monsieur Ishadon, que tu t'étais ouvert au monde et aux gens qui en faisaient partie, tu avais du mal à te reconnaitre. Les après-midis et les soirées que tu avais passé devant ta console te semblaient loin. Tu n'avais plus le temps parce que... tu essayais de donner le meilleur de toi même dans ce que tu faisais? Et que ce n'était pas facile de le faire quand on passait son temps devant un écran. Sûrement, Nats', sûrement.

T'avais eu besoin de prendre de l'air parce que les murs du pensionnat t'étaient apparu comme trop petits. T'étouffais. Cela faisait combien de temps que tu n'avais pas quitté cette île? Depuis... Depuis que t'étais allé rejoindre ce crétin dont t'avais pas envie de prononcer le nom. Tu marchais tranquillement et tu secouas la tête. Tu ne laisseras pas ce mauvais souvenir te gâcher la balade que tu t'étais octroyé. C'était ton moment : un moment rien qu'à toi. T'avais besoin de souffler, de décompresser.

Cette fin de journée te rappelait ta rencontre avec Lance et ce n'était pas un souvenir désagréable. Le soleil était doux et le parc luisait de nuances orangées. Le parc était tranquille et tu dévias du parcours habituel, suivant un chemin un peu plus petit. Tu connaissais cette route et savais que personne ne l'utilisait jamais. Tu voulais profiter du calme : cette option te parut la meilleure pour exaucer ton souhait.

Mais? Il y avait quelqu'un par terre. Elle était assise, dos à toi. Tu ne pouvais rien voir d'elle si ce n'est de longs cheveux dorés. Ta mémoire n'arrivait pas à identifier la chevelure de l'inconnue et tu conclus que tu n'avais, dès lors, jamais rencontré cette personne. Tu fis quelques pas. Tu ne comptais pas la déranger, simplement passer son chemin. Mais... Elle semblait... sangloter?

Tu te stoppas net, ne sachant pas si tu devais rebrousser chemin. T'étais pas du genre réconfortant, t'étais même pas un minimum compréhensif. Les souvenirs de ta soirée avec Maddy te revinrent en tête... Non, t'étais pas doué pour faire sécher des larmes. Tu fis quelques pas en arrière, te voulant discret.

Bip. Bip. Bip. Bip.

Ton téléphone sonna dans ta poche, assez fort pour que la personne devant toi puisse se retourner. Tu sortis maladroitement ton appareil. Le prénom Jey apparut et tu grognas. Elle te laissait jamais tranquille, cette soeur indigne. Tu raccrochas directement avant de lever les yeux vers la jeune fille. Elle semblait jeune, te rappelant légèrement Nina.

Tu affichas un sourire gêné, peu sûr de lui. Tu toussas pour te reprendre, essayant malheureusement de gagner un peu de temps pour savoir quoi dire. Tu restas droit quand tu pris la parole. Quand faut y aller, faut y aller.

- Je t'espionnais pas, je.. venais d'arriver. J'ai rien vu, même. Je... Tu pleures? Ah, eh beh, j'avais pas du tout remarqué, en fait.

Tu donnais pas des cours de comédie. T'avais jamais fait de théâtre. Et, à cet instant précis, ça se ressentait beaucoup.

- Tu.. Tu veux un mouchoir..? Je n'en ai pas mais c'est ce qu'il faut, non, quand on pleure? Alors, moi, j'ai pas de mouchoir mais si t'as un mouchoir, mouche toi peut-être et ça ira mieux.

Tu clignas des yeux. T'étais, malheureusement, très sérieux. Mimer des interactions sociales que tu avais vues, c'est tout ce que tu savais faire. Parfois, c'était cohérent. Parfois, c'était juste bizarre.

— Je ne crois pas que me moucher va changer quelque chose à la situation ! J'espère que tu ne veux pas devenir acteur car tu ne réussiras aucun casting !

Tu fronças les sourcils, ne sachant pas si tu devais accepter cette vérité que tu pouvais reconnaître ou si tu devais t'énerver face à ce qui ressemblait presqu'être une insulte. Tu ouvris la bouche pour répliquer mais aucun son ne sortit. Elle s'était retournée mais tu avais l'impression que tes pieds étaient scotchés au sol. Gêné, t'étais vachement gêné. Et cette gêne t'empêchait de réfléchir correctement. Tu ouvris à nouveau la bouche pour dire quelque chose mais les sanglots, d'une certaine manière, te l'interdisaient. La prochaine fois, je ferai un autre tour.

— Tu comptes encore rester là longtemps ?

Tu t'étonnas de la phrase de la jeune fille et la gêne disparut aussitôt. Chialeuse et impolie, en plus. Tu te mordis la lèvre pour ne pas le dire. Ton but n'était pas de faire la causette avec une énième gamine. Tu voulais rentrer chez toi. Alors tu commenças à faire demi-tour.

— Ne le répète à personne !

Tu fis une pause et te tournas à nouveau vers ton interlocutrice.

— S'il te plaît.

Un sourire apparut sur ton visage. Ton sourire de canaille. Comme si tu avais retenu ta respiration pendant plusieurs minutes, tu te relâchas et lâchas un ricanement qui se voulait moqueur.

- Enfin une formule de politesse qui sort de ta bouche, c'pas trop tôt.

Ton rire joueur continua à s'étendre tandis que tu attrapas le paquet de cigarette qui se trouvait dans ta poche. Tu amenas une clope à ta bouche avant de l'allumer. Le Natsuo qui cherchait à se détendre aux alentours du promenade avait disparu. Faites place à la superstar.
Tu tiras une taffe.

- Non, je vais le dire à tout le monde, bien sûr. Je suis sûre que l'académie serait ravi d'apprendre qu'une gamine lambda chiale au milieu du parc. Avec un peu de chance, ça passera au journal de 20h00.

Ton rire redoubla. T'étais vraiment hilarant, quand tu le voulais. Tu ne prêtais même plus attention aux larmes de la jeune fille.

- Tu réserves souvent tout un coin du parc quand tu décides de faire une crise de nerfs? Faut prévenir, hein.