I- You here. How... unexpected... [PV : Miké ~]

Samedi 17 février, 14:43. Je soupirai et me levai, fermant brièvement les paupières avant de sortir de mon bureau pour aller dans la salle de repos la plus proche récupérer mon mug qui devait être sec et le remplir d’une dose de café. Je me laissai deux minutes pour être à nouveau dans mon bureau, quinze minutes pour comprendre le bordel. L’avancée de mon actuelle recherche ne concordait pas avec les résultats des trois précédentes que j’avais faites sur la génétique des dotés. Certes les sujets étudiés et les angles d’attaque différaient légèrement mais que les résultats fussent à ce point contradictoires me retournait le cerveau. Les dons examinés auraient été dans les Inclassables qu’il y aurait une explication rationnelle, or il s’agissait d’Élémentaires. La catégorie la plus facile à classer ; et la catégorie de chaque don avaient été vérifiée par la petite Zena et Joker. Je soupirai et bus une gorgée de café, repassant dans ma tête ma recherche actuelle qui touchait plus à l’épigénétique qu’à la génétique. Et comme par hasard, dès que je m’intéressais à l’épigénétique des dons, je me prenais des incohérences dignes de crever un trou noir. L’allèle des Élémentaires était dominant alors pourquoi devenait-il récessif dans les nerfs du sillon latéral de Sylvius, dans une petite zone de l’intestin grêle et chez la descendance d’un Élémentaire ? C’était absurde. Je pouvais citer à la pelle des familles entières composées exclusivement d’Élémentaires. D’Inclassables aussi, d’ailleurs ; ces deux catégories étaient dominantes et, entre les deux, c’était l’Élémentaire qui avait le dessus. Alors pourquoi ça ne concordait pas ? À chaque fois, c’était dans le système nerveux que se produisaient des perturbations génétiques et elles crevaient le plafond chez la mère pendant la grossesse et chez l’embryon puis le fœtus pendant la formation du cerveau ( et du reste du système nerveux ). J’avais fait de nombreuses thèses là-dessus, d’autres aussi ; ce fait était acté. Sauf que ces perturbations n’en venaient jamais au point de ces incohérences. Pourquoi, diantre, pourquoi, ça ne concordait pas ?

14:45. Je soupirai puis poussai silencieusement la porte entrouverte de mon bureau, allant pour m’asseoir à la table basse sur ma gauche mais je me figeai, mon mug de café porté à mes lèvres. 14:45:37. Mon expression, toujours impassible, et mon regard blasé à s’en tirer une balle dans le cervelet se dirigèrent sur le malotrus qui posait ses doigts crasseux sur mes recherches et autres dossiers que j’avais sorti sur mon bureau, avait même le toupet d’avoir croisé les jambes sur mon bureau et de lire le compte-rendu de ma recherche en cours en froissant le papier. Je clignai des yeux et, prenant silencieusement une gorgée de café, je m’assis sur une de chaises basses, confortables, avec l’indifférence qui m’était propre. Le malotrus n’avait pas bougé et continuait de salir mon espace vital. Je posai alors mon mug sur la table basse en verre, matérialisai deux de mes vecteurs pour lui substituer mon travail et le ranger sur mon bureau de l’un et le prendre par les cheveux pour le balancer contre la porte de l’autre. Celle de mon bureau ne s’ouvrant pas sur l’extérieur, il était toujours dans mon bureau quand elle fut fermée. Je l’ouvris donc d’un vecteur, le pris d’un autre par les cheveux et le balançai, avec une violence marquée au vu du bruit et de la force que je mettais dans mes vecteurs, hors de mon bureau avant de refermer la porte en remontant mes lunettes sur mon nez. Qu’avaient les gens à être aussi mal élevés ? Tss... 14:45:41. Bras pliés sur mes cuisses, buste penché en avant, je repris le fil de mes réflexions comme si je n’avais pas été arrêtée. Donc, l’allèle des Élémentaires qui n'en faisait qu'à sa tête. Je soupirai, me pinçai l’arête du nez, soupirai à nouveau.

14:46. Voyons, si je récapitulai le compte-rendu, quelque chose se tramait dans le sillon latéral et le coccyx pour ce fichu allèle. Seule la poursuite de cette recherche pourra nous éclairer et elle avait plutôt intérêt, parce que ça n’avait encore moins de sens. Le sillon latéral, bon sang ! Je soupirai, repris une gorgée de café, regardai mon téléphone qui sonnait. Numéro inconnu commençant par des chiffres ne m’inspirant pas, je raccrochai sans plus de forme de procès. Qui que ce fût, il pouvait bien me ficher la paix quand je travaillais. Donc. Il allait falloir observer l’ADN contenu dans les mitochondries des cellules nerveuses, car c’était le seul où les recherches étaient floues, peu nombreuses et surtout peu convaincantes – pour ne pas dire désastreuses. Ce qui signifiait que j’allais devoir en parler au Directeur. ... encore que, je pouvais esquiver le problème en allant directement vers Liyah. Mhm... Je laissai mes deux mains pendre dans le vide, soupirai une énième fois. Cette recherche allait avoir raison de mes nerfs. D’un autre côté, si je me penchai du côté de l’ADNmt des cellules nerveuses du sillon latéral chez une mère enceinte et chez un fœtus, de ses balbutiements à l’accouchement, ça allait m’obliger à retarder mes prochains projets. Je soupirai, grognai, bus une gorgée de café, soupirai à nouveau. Les Élémentaires venaient de réussir l’exploit de me retourner plus le cerveau que les Inclassables. Je fis craquer mes doigts en poursuivant ma réflexion, soupirant une énième fois pour la route.