- JAMAIIIIS ! TU MOURRAS SOUS MES CÂLINS FORCÉS, TSUCHIIII !
Lâchais-tu d'un air amusé, tapotant de nouveau la tête du blond au visage agacé. Il était pas d'la journée, Tsuchi ? Capute te disait souvent qu'il était rarement d'bon poil. Qu'est-ce qu'il pouvait vivre quotidiennement pour être constamment en rogne, l'blond ? Ça t'faisait chier pour lui. Il avait pas l'air bien méchant, juste salement tabassé par la vie. Alors ouaiiiis, t'lui donnais le point : le temps était dégueulasse et les deux autres débiles grave à la bourre. Mais si c'tait qu'ça, pas grave, vous pourriez bouger ailleurs ! C'pas comme si cette île était minuscule ! Comme ça t'auras un Tsuchi moins grognon et une journée sous l'signe de la bonne humeur ! Tu perdais pas ton sourire, lorgnant autour d'vous à la recherche des deux autres glands. T'avais spammé Capute de messages qui répondait pas... Ils étaient à la bourre et pas qu'un peu. T'soupirais pour toi-même, prenant les devants.
- Bon, ils sont grave à la bourre, faut croire ! Autant qu'on marche un peu sinon t'vas mourir avant qu'ils soient là ! Et ça s'rait grave nuuul !
Tu lui tirais la langue, croisant les bras derrière ta tête, le pas dansant.
- Y'a juste que ça pour ta tête, Tsuchi ? Tu sais, si tu voulais pas v'nir, c'est pas grave. J'peux comprendre, mon coloc il est un peu comme toi, super dans son monde et pas à l'aise avec les gens !
Tes lèvres arboraient un sourire sincère, t'arrêtant un instant pour fouiller dans ton sac de bières qui se claquaient l'cul les unes des autres. Tu en sortais deux au hasard, en tendant une à monsieur grognon.
- Me semble que t'aimes bien la bière ! Elles viennent direct de chez moi, on est encore en plein Oktoberfest. Ça s'ra la punition de Capute et Vail ! Ils sont à la bourre, moins de bière pour eux !
Tu venais ouvrir la tienne avec ton décapsuleur portable, jetant celui-ci à Natsuo d'un air enjoué. Autant s'occuper le temps qu'ils arrivent, hein.
Tes pieds frôlaient l'asphalte, tes écouteurs enfoncés dans les oreilles alors que tu chantais à tue-tête, ignorant l'bus qui partait derrière toi. T'avais oublié à quel point c't'île était bien fichue sur ça. Vous pouviez aller partout, de l'académie au centre ville aux dehors d'l'île juste avec des bus ! C'était super bien déservi ! Ca t'rappelait un peu Berlin quand t'y v'nais pour voir tes potes. Tout était si simple. Ça f'sait pas si longtemps qu't'avais posé tes fesses sur l'île mais tu t'y plaisais d'jà ! T'avais rencontré un coloc d'amour et tu t'étais fait ton premier meilleur ami gay ! Capute, c'tait un cas. Ta p'tite princesse à talons qui en faisait des caisses. Puis il t'avait présenté son dulciné qu'il essayait encore et toujours de faire craquer ainsi qu'un autre de ses amis. Tsuchi ! T'avais pas trop bien retenu son prénom, t'sais juste qu'il était japonais, un peu coincé mais il avait pas l'air bien méchant ! Juste un peu dans sa bulle ! Alors t'avais eu cette merveilleuse idée à chier que d'faire une sortie tous les quatre à la plage pour souffler un peu des cours et du boulot pour ta part.
Sauf que bon, y'avait d'jà un truc qui allait pas. L'temps. Le ciel était grave moche, il faisait froid et limite il flottait un peu. La météo avait pas dit ça c'matin quand tu t'étais levée ! Il était censé faire beau ! Sinon vous seriez pas sortis à la plage. Tant pis ! L'essentiel c'tait d'être tous les quatre et d's'amuser ! T'avais même préparé une p'tite surprise. Un sac bourré de bières. Avec l'Oktoberfest qui battait de son plein chez toi, tu voulais partager ça avec eux. T'avais pris tout un bel échantillon de bière typique du coin et pour tous les goûts ! C'est armé de ton sourire habituel que tu arrivais au point de rendez-vous, tes chaussures passant des dalles au sable. Tu jetais un rapide coup d'oeil sur ton téléphone : t'étais même pas à la bourre cette fois ! Tu rangeais tes écouteurs, apercevant au loin la silhouette de la tête blonde. Ni une ni deux, tu courais vers lui calant ton sac à dos avec les bières fermement contre ta poitrine. T'attrapais alors la pauvre tête blé pour l'écraser contre toi pendant que ta main droite lui ébouriffait les cheveux.
- TSUCHIIIII ! T'ES EN AVANCE TOI AUSSI ! ♡
Tu te dégageais de lui, un sourire radieux aux lèvres. Il f'sait la moue ou quoi ?
Sa bouchée d'pain était en diamant et or blanc 18 carats, n'est-ce pas ? Car tu voyais mal la tête feu acheter des talons aussi barrés à Babou. Genre vraiment pas. Tu l'imaginais déjà faire un arrêt cardiaque devant tant de guenille tant il était maniéré et apprêté. Et pour le coup... Tes lèvres affichaient un sourire taquin.
- P'tain j'savais pas que Liddl s'était mis aux chaussures holographiques ! Cha-peau les gars, CHA.PEAU !
Tu riais, tes améthystes reluquant sans aucune honte, aucune les hanches de la diva. C'tait pas ton genre, tu préférais des hanches plus larges parce que bon avec la taille de tes paluches, t'aimais avoir un truc entre les mains. C'comme ta moto, faut qu'elle te tienne les couilles que t'as pas. Tu venais te coller à Capucin avant de lui décocher la fessée de sa vie sur la fesse gauche, éclatant de rire.
- Bah alors, mon cher ?! Ça manque de forme tout ça ! Hop-hop-hop faut me rebondir ce p'tit cul si tu veux espérer impressionner !
Tu prenais une moue profondément déçue et diablement exagérée, suivant volontiers la diva dans son exubérance croissante. Ses paroles, tu t'y attendais. Mais ça t'faisait un p'tit truc de l'entendre. Ca t'froissait un peu le coeur. C'tait comme dire adieu à un vieil ami d'toujours même si tu savais qu'il resterait avec toi sous une autre forme à l'entendre. T'en retiendrais presque une p'tite larmichette. C'que t'es débile, Bill. Débile ! C'est qu'un bout d'tissu. Alors pourquoi ça t'fait si mal ? Parce que c'tait le sien ? Ah. Tu ne perdais pas ton sourire, venant attraper la main de Capucin comme pour signer le contrat.
- C'est un deal, Capute !
Capute... C'tait sorti tout seul. T'avais pas la moindre explication... P't'être son côté diva-prostipute de luxe qui avait fait déraper ta langue ? Boah, il le prendrait pas mal, si ? Et te voilà emportée à ses côtés, dansant volontiers avec lui, ponctuant la pièce de ton rire grave, lorgnant toujours ta veste du coin d'l'oeil.
- Je suis le catwalk, moi môsieur ! La vie, j'la prends, j'la retourne et j'lui fais tellement de gosses qu'elle sait pu où en donner d'la tête, tu vois ?
Poésie, quand tu nous tiens. Ton regard s'arrêtait tout de même sur son antre où la magie opérait.
- Donc les autres étudiants sont si nuls pour que tu sois l'seul compétent du tas ? Ça fait pas tant rêver finalement les étoiles. D'jà qu'en oméga ils sont tous « hanlalala les étoiles c'est les meilleurs, j'veux être comme euuux, j'vais prendre leur place tu vas voir - haaaan » pour finalement abandonner et aller taper des p'tits iotas parce que Marin-Huguin a eu leur place. J'pensais que c'était surcoté les étoiles mais alors tous aussi nuls, tu m'scies le fion.
Tu descendais ta main d'un signe dédaigneux, une tonalité nasillarde marquée par ton accent. Autant dire que les oreilles du roux devaient saigner s'il entendait encore.
- Bah putain ces talons mon gars ! Ils sont trop beaux !
Ça venait du cœur. C'est qu'il avait la classe le rouquin ! Tu te sentais soudainement conne. Comme happée par ce que tu voyais devant toi. Pas que le gugus en talons pailletés de dix milles mètres de haut en calbut noir et kimono blanc à la Madonna te faisait peur... Non, non loin de là. Il t'impressionnait. T'étais là tel un poisson à ouvrir la bouche en rond, des étoiles plein les yeux. Une enfant ébahie par le défilé qui se déroulait sous ses yeux. Ses talons t'en donnerais le vertige tellement ils sont hauts ! Et puis ce kimono... T'étais pas une adepte de mode. T'étais de la team confort et solidité avent tout. Pour autant t'aimais avoir ta petite personnalité et excentricité à ta manière. OK, pas autant que la diva devant toi. Lui c'était un niveau hors catégorie pour les pauvre mortels comme toi.
T'avais même pas relevé son cri digne d'une drama queen tant le personnage te donnait à observer. T'étais juste là à l'écouter te répondre, ta veste pendant toujours dans ta main. Tu venais par ailleurs reposer ton bras contre ta poitrine, une moue embêtée.
- Cette guenille comme vous dites tous m'accompagne d'puis des décennies. J'sais bien que pour des gars comme vous les étoiles et en mode c'est d'la merde, mais j'espérais que vous puissiez m'proposer une solution. J'm'appelle Billie sinon ! Mais tu peux m'nommer Bill. Kill Bill.
Et te voilà repartie à nouveau dans tes blagues de merde, sourire enfantin accroché au visage. Comme pour fuir ce fait. Celui que ta bonne vieille veste était foutue. Irrattrapable. Mais qu't'espérais qu'il puisse y faire un truc, le roux.
- Tu prépares un défilé sinon, mec ?
Bah quoi ? Il se dandinait comme ces grandes perches squelettiques à la télé. Aussi bien c'était une épreuve de leur filière, t'en sais rien toi...
Ce soir ça n'allait pas. Mais alors pas du tout. C'tait le visage figé, marqué par l'ombre des nuages que tu restais scotchée à ta chaise, les bras tendus d'vant toi.
Putain. De. Merde. Elle était foutue. Baisée. Cramée.
Ta veste de toujours, d'un cuir plus vieux que l'Pape actuel venait de rendre son dernier souffle. Et ça t'faisait un truc. Tu saurais pas l'expliquer. Elle t'avait suivi pendant des dizaines d'années. D'abord trop grande pour toi puis finalement ajustée à toi, elle était couverte de trous, décolorée à certains endroits... Le cuir fatigué craquait à chaque mouvement, laissant les fibres de celui-ci s'extirper dans tous les sens. Il en était même devenu rêche. Mais tu l'adorais cette veste. Et tu n'pouvais résoudre à t'en séparer. Elle avait tout vu avec toi ! Tes premières cuites, tes premiers meubles, tes premières gamelles en mobylette, ta première flaque d'huile sur la tronche... C'te veste, elle avait plus vu de ta vie que tes propres vieux. Alors c'tait comme enterrer un être cher. Ça t'coinçait. Réfléchi Bill. Pense !
Force de regarder le magnifique cuir émeraude se refléter dans la vitre de ta chambre, une idée te vint à l'esprit. Les étudiants en mode ! Ils sauraient forcément comment sauver ta pauvre veste ! Mais il ne te fallait pas n'importe lequel. Les meilleurs déjà. Donc fallait qu't'aille voir les étoiles. Ah. Ils allaient encore te cracher à la gueule. Tu soufflais, te levant, réajustant ta chemisette crop top et ton 36 ème jean mom fit parce que y'a qu'ça de vrai les jeans. Il était plus foncé celui-là, ça passe ! Puis il allait bien avec ce haut qui était dans les tons de crème avec des couleurs estivales. Tu attachais à la va-vite tes cheveux en double chignon, laissant quelques mèches anis tomber ci et là sur ton visage. Puis tu prenais la porte.
Et commençait là ton épopée. Entre mépris, portes claquées, rires au nez... Les étoiles te rataient pas comme prévu. Qui voudrait s'occuper d'une guenille pareille ? T'es en oméga en plus. T'attendais quoi ? Mais un nom revenait. Un certain Capucin, tu crois ? Qui logeait en chambre 12. Tous disaient que lui seul serait assez désespéré et fou pour aider une gueuse comme toi. Était-ce là une dernière mauvaise blague ? Tu t'en branlais. T'allais pas t'dégonfler alors que la porte marquée d'un douze te faisait face. Tu venais enfoncer celle-ci d'un coup d'pied sec, veste tendue vers le rouquin qui t'faisait face.
- C'est toi Capucin ? Tu peux m'réparer ça ? Tes copains étoiles m'ont dit que t'étais suffisamment fou et désespéré pour accepter ma d'mande.
Ah bah si tu pouvais faire que Capucin aille leur faire leur race parce que tu disais juste ce qu'on t'avait dit, t'allais pas t'faire prier.
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Sam 2 Oct - 16:17