All that is gold does not glitter || Lynlyn-chan ♥

Il y avait une mélodie qui rodait dans son esprit. Et sans qu'elle puisse l'expliquer, c'était cette dernière qui guidait ses pas. Elle fredonnait légèrement, tandis qu'elle regardait autour d'elle le monde sous ses verres opaques. Le ciel semblait gris mais cela faisait tellement longtemps qu'elle ne l'avait plus regardé sans filtres qu'elle se demandait avec quelle teinte de bleu les cieux avaient choisi de se vêtir. Elle ne prenait jamais le risque d'enlever ses lunettes, et elle les tenait près d'elle lorsqu'elle dormait.

Était-ce cette monotonie, ce manque de couleur qui la rendait si passive? Elle se sentait spectatrice d'un monde où elle avait promis de vivre. Elle ne recherchait rien, ne désirait rien et se contentait d'explorer, de voir, de sentir. Rien ne la complétait. D'une certaine manière, elle se sentait déjà complète. Mais, pas vraiment. Elle voyait bien, en observant les autres, qu'ils agissaient différemment, qu'ils s'intéressaient à des choses auxquelles elle ne prêtait même pas attention. Et elle se demandait si c'était elle qui avait un problème ou si c'était le monde qui ne tournait pas rond. Prisonnière de sa chambre et de son quotidien morbide, toute chose avait une place et, elle le pensait, le rôle qu'elle avait pu jouer dans son royaume avait amené un sens à sa vie. Ici, le monde lui paraissait tellement vaste, tellement dénué de sens.

Perdue dans ses pensée, cette vieille chanson en tête, elle n'avait même pas remarqué où elle avait atterri. C'était un endroit qu'elle n'avait jamais vue. Entourée de plantes, de légumes, elle s'y intéressa quelque peu. Elle se mit sur les genoux en prêtant attention à ne pas abîmer sa fine robe et à ce qu'on son arme soit toujours bien dissimulée. Une tomate avait poussé. Elle la prit et la regarda, pensive et rêveuse. Elle aurait voulu, sans savoir expliquer pourquoi elle l'aurait autant voulu, la voir sous sa vraie forme. Sans filtre noire. Comprendrait-elle le monde si elle le voyait réellement sous toutes ses couleurs? Se sentirait-elle intégrée dans cette structure qui lui paraissait si étrangère?

... Elle était seule. Et si, elle les enlevait? Elle porta doucement sa main sur son visage et tâta légèrement la monture qu'elle portait. Elle s'apprêtait à le faire mais elle entendit un léger bruit derrière elle. Elle posa tout de suite le fruit qu'elle avait pris et discrètement, posa la main sur son arme.

La mélodie disparut de son esprit et des pensées toxiques se mirent à lui piquer le cerveau. Elle avait failli se faire découvrir. Elle sentait le regard de la personne sur elle, c'était une intuition qu'elle avait appris à maîtriser lors de ses missions les plus sombres. Ses angoisses primaires prirent le dessus et son subconscient n'était plus qu'un flot de cris intelligibles. Elle savait qu'ils pouvaient revenir à tout moment, elle savait qu'ils la ramèneraient ou la tueraient. Elle avait fait trop de choses, avait vu trop de choses pour qu'on daigne la laisser en vie en dehors des murs du royaume.

D'ailleurs, était-elle vraiment libre, ici? Peut-être avait-elle quitté une prison pour en intégrer une autre? La forme aurait changé mais peut-être que tout ça avait été prévu quelque part. Et si sa venue ici faisait partie d'un plan qu'elle n'avait pas encore compris et que, tôt ou tard, on l'obligerait à nouveau à se salir les mains pour le bien d'une nation égoïste?

Tel un volcan de panique, tout explosa en elle. Elle dégaina son flingue, fit demi-tour et la pointa sur le regard qu'elle sentait. Elle avait eu raison, il était en train de la fixer et avait l'air totalement médusé. Elle voyait dans ses yeux la même lueur d'intérêt qu'elle avait vu dans tant d'autres la regardant. Elle ne remarqua ses cornes qu'en second lieu et eut comme un mouvement de recul. Elle n'était, d'un coup, plus sûre de ce qu'elle était en train de faire. Elle secoua la tête. Relâcher sa garde, c'était le meilleur moyen de se faire tuer.

De la voix si mélodieuse qu'on lui connaissait, elle prit la parole, persuadée que la personne en face d'elle lui voulait du mal.

- Qui vous envoie? Qui êtes-vous? Pourquoi vous me fixer depuis tout à l'heure?

Elle vit lentement l'homme bouger et déposer le carnet qu'il avait en main. Elle le fixa quelque peu, essayant d'établir une quelconque théorie qui la pousserait à croire qu'il était en train de l'espionner au compte de gens qui lui voulaient du mal. Elle reposa son regard sur lui lorsqu'il leva les mains en signe de bonne foi. Elle tremblait légèrement. Elle avait l'impression de voir du sang partout et malgré ses lunettes opaques, elle voyait clairement la lueur écarlate couler de ses mains. Elle recommençait, la panique s'emparant d'elle, à faire des liens qui n'existaient pas, voir des choses qui n'existaient pas. Mais elle était sûre, à cet instant, elle était sûre que c'était réel, quoi qu'on lui en dise.

Comme un lointain murmure, elle entendit l'homme devant elle lui expliquer qu'il avait intégré l'Académie et elle comprit directement qu'il parlait de la même qu'elle. La voix du garçon semblait la rapprocher peu à peu de la réalité, réalité différente de celle qui se jouait dans sa tête. Elle trouvait sa voix rassurante. Elle écoutait ses questions qui lui faisaient l'effet d'une tape sur l'épaule au réveil. Et lorsqu'il dit son nom, elle le regarda à nouveau. Et elle ne savait pas l'expliquer mais, elle le vit réellement. Ses pieds retrouvèrent le sol. Elle retrouva son esprit et la manière dont elle avait réfléchi il y a quelques secondes lui paraissait tout à fait absurde. Elle baissa son arme.

"Tu fais sûrement des bouffées délirantes.. Lynn écoute.. Je pense que tu es malade."

Les mots de Reita résonnèrent. Tenant toujours son arme, elle approcha les mains de son regard pour les scruter. Elle les retourna. Il n'y avait plus de sang, rien. Les choses avaient repris leur cours normalement. Elle murmura doucement.

-Des bouffées délirantes...

Lentement, elle rangea son arme. Elle leva son regard vers la personne qu'elle venait de menacer. Elle semblait ailleurs, dépassée par la situation. Vail ne pouvait pas s'en rendre compte mais à travers ses lunettes, sous ses yeux, se tenait un voile fin qui la tenait éloignée de la scène qui se jouait. Ok Lynn, mais tu viens de pointer ton arme sur un mec qui t'avait rien fait et c'est quand même la deuxième fois en quelques jours.

Comme si elle reprenait enfin pleinement conscience de l'autre, elle secoua la tête et sembla tout d'un coup très gênée.

-Euh.. Je suis désolée, vraiment désolée! Vous pouvez continuer à dessiner, je suis vraiment désolée! Je vais à l'Académie aussi, je m'appelle.. Lynn! Je comprends tout à fait!  

Elle n'arrivait pas à détacher son regard de Vail car les cornes qui ornaient le visage de son compère la perturbaient beaucoup. Elle se demandait si c'était encore le fruit de son imagination ou si elles étaient réelles. Elle semblait pensive.

-Par contre... Ne me mentionnez pas dans votre book, s'il vous plaît.

Elle avait retrouvé ses esprits, certes, mais cela ne l'empêchait pas d'être prudente. Elle ne devait pas risquer qu'on la reconnaisse . Elle ne devait jamais prendre ce risque.
Elle mit ses mains derrière son dos. La curiosité prenant le dessus, elle nia toutes les questions de l'étrange personnage et s'approcha un peu de lui. Pas trop près, car Lynn n'aimait pas la proximité avec les autres. Comment ne pas se fondre dans l'autre s'il se tient trop près? Elle scrutait son visage.

-Dites, vous...  c'est peut-être bizarre comme question mais... Vous avez vraiment des cornes n'est-ce pas? Tout le monde a des cornes en Angleterre?

Lynn avait toujours les mains derrière le dos quand l'homme lui expliqua la raison de son dessin. Elle hocha la tête distraitement, les yeux fixés sur les étranges cornes que présentaient l'individu. Elle était intriguée et étrangement amusée. Elle, qui avait pu sembler si dangereuse au visage froid, arborait à présent une attitude de petite fille, tournant sa cheville, jouant avec ses doigts, se demandant sincèrement comment ces choses avaient pu pousser sans faire mal à celui qui les portait. Plus rien dans le monde n'existait, cette question lui trottait dans la tête comme une mauvaise chanson.

L'homme lui répondit qu'il n'existait pas d'autres personnes en Angleterre qui en possédaient, si ce n'est sa famille, et elle parut déçue. Elle focalisa à nouveau son attention sur lui lorsqu'il émit l'hypothèse que d'autres personnes pourraient en posséder sur l'île. L'homme avait raison, ce coin de terre était peuplé de gens tout aussi étranges les uns que les autres : peut-être n'était-elle pas au bout de ses surprises? Ses yeux, derrière ses lunettes, se mirent à pétiller. Elle voulait tout voir du monde, absolument tout.

Lynn se mit à réfléchir à la question du jeune homme, tout en tentant de mettre à distance ses souvenirs pour ne pas y sombrer. Il ne fallait pas trop fouiller dans sa tête, elle ne voulait pas s'y risquer. Elle regarda légèrement en l'air tout en tapotant d'un doigt son menton.

- Hum je... Je suis pas beaucoup sortie mais je.. Je pense que...

Oui, elle prenait cette question très au sérieux. Toutes les questions méritaient qu'on les prenne au sérieux.

- Je pense qu'il n'y en a pas! Non non, je suis sûre que je n'ai jamais vu des personnes avec des cornes, donc, je pense avec certitude qu'il n'y en a pas!

Elle semblait fière de sa réponse et sourit légèrement à l'inconnu. Sans transition et puisqu'elle ne possédait aucun filtre, elle reprit la parole.

- ça vous a fait mal quand elles sont sorties? Elles sont sorties ou vous êtes né avec?

Elle prit un de ses cheveux en main, et se mit à le regarder. Les mots dépassaient sa bouche sans qu'elle en ait le contrôle.

- Tout le monde dans votre famille en a? Vous avez tous des cornes? Pourquoi vous avez tous des cornes?

Lynn regardait l'inconnu, les yeux écarquillés d'impatience de connaître toutes les réponses à ses questions et elle ne cacha pas une petite moue de tristesse lorsque ce dernier lui dit qu'il n'en savait pas plus à propos des vêtements. Elle se mit à réfléchir très sérieusement quand il amena la problématique des cornes. Elle posa un de ses doigts sur son menton, tentant d'imaginer à quoi pourrait bien ressembler une boutique où il n'y aurait que des personnes cornues à la recherche de capuches. Elle rit légèrement à l'idée.

Elle fut ramenée à la réalité par la révélation du jeune homme. Ses yeux devinrent encore plus ronds, et elle s'esclaffa. Un dragon, un vrai dragon? Était-il sérieux ou se fichait-il totalement d'elle? Non, il ne pouvait pas mentir, pour quelles raisons l'aurait-il fait? Un dragon, ça avait des cornes, son explication tenait la route. Et puis, elle était sur une île qui abritait de nombreux êtres qui lui paraissaient bien plus étranges que celui qu'elle venait de rencontrer.

Elle rit légèrement. Cette révélation l'enjouait, le monde semblait beaucoup plus intéressant à présent. Elle perdit légèrement son sourire quand le jeune homme se mit, à son tour, à lui poser des questions et elle dut se retenir pour ne pas retomber dans ses angoisses primaires. Elle effleura d'une main son arme, comme pour se rassurer. Était-ce normal qu'il se pose des questions sur sa personne? Certainement que oui, puisqu'elle en faisait de même. Il cherchait juste à savoir qui elle était, c'était toujours ce qu'on faisait quand on venait de rencontrer quelqu'un, non?

Elle arbora un sourire, légèrement forcé.

- Moi je ne suis pas un dragon! Je suis juste...

Une princesse. Et je peux devenir tueuse à gages si tu veux!

-...Une fille normale. Je m'appelle...

Elyah. Elle toussa légèrement avant de reprendre. Elle regarda l'inconnu avec le même sourire.

-Lynn. Et je viens de...

Norvège. Lynn secoua la tête et se pinça les lèvres pour ne pas répondre. Elle n'avait pas préparé de réponse, elle n'y avait jamais pensé. Alors, elle mit à nouveau son index sur son menton pour réfléchir. Elle le tapota légèrement de son doigt.

- D'où je viens? Hum, j'ai dû... oublier.

Elle présenta à nouveau un sourire au garçon et se mit à rire légèrement. Elle s'y forçait, mais elle devait paraître le plus naturel possible. Alors, comme pour changer de sujet, elle se mit à tourner d'un petit pas autour de l'inconnu, les sourcils froncés, cherchant quelque chose.

- Si vous êtes un dragon, elles sont où vos ailes? Je ne les vois pas.